TRADUCTION DE: MICROBIOLOGY 101 INTERNET TEXT

CHAPITRE IX: ÉCHANGES GÉNÉTIQUES MICROBIENS



 

Version originale: 11-03-97, traduite le 14-03-97


TABLE DES MATIÈRES

  • Le sexe des microbes


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    LE SEXE DES MICROBES

    Les bactéries peuvent échanger de l'ADN de trois façons différentes. Dans tous les cas, une cellule donneuse (l'exogénote) cède un fragment de matériel génétique au chromosome d'une cellule receveuse (l'endogénote). L'ADN du donneur est alors incorporé dans l'ADN de la cellule receveuse par recombinaison (Fig.1). Si l'échange implique une allèle du gène de la cellule receveuse, le génome et le phénotype de la cellule receveuse changera. Les trois modes de transfert de l'ADN sont: 1) la TRANSFORMATION, 2) la CONJUGAISON et 3) la TRANSDUCTION.
     


    Figure 1. Schéma général de l'échange génétique bactérien. L'ADN du donneur est transféré au receveur où il remplace un ou plusieurs gènes par recombinaison.


    LES PLASMIDES

    Avant de rentrer dans les détails de l'échange d'ADN, il peut être utile de mieux comprendre ce qu'est un plasmide. Les plasmides peuvent être vus comme des MINI-CHROMOSOMES. Les plasmides, tout comme le génome bactérien, sont constitués d'une molécule circulaire d'ADN, à la différence que cette molécule est beaucoup plus PETITE que le génome (Fig. 2).
     


    Figure 2. LE PLASMIDE FACTEUR DE FERTILITÉ OU FACTEUR F. Le facteurF porte les gènes pour la conjugaison ainsi que d'autres gènes tels que des séquences d'insertion, qui permettent l'intégration du plasmide dans le chromosome de la cellule hôte, et des gènes de résistance aux antibiotiques.

    Figure 3. Des plasmides dans une bactérie hôte. Une cellule peut contenir 1 plasmide, plusieurs copies d'un plasmide et/ou plusieurs plasmides différents.


     


    Les plasmides sont de tailles variées, entre 1000 et 25000 paires de bases vs 4 millions pour le génome. Les plasmides se répliquent de façon autonome par rapport au chromosome. Une cellule hôte peut contenir un plasmide, plusieurs copies d'un plasmide et/ou plusieurs plasmides différents. Les plasmides portent généralement des gènes qui ne sont pas essentiels pour la survie de la cellule, sauf dans des conditions exceptionnelles. Par exemple, plusieurs plasmides portent des gènes de résistance aux antibiotiques. Lorsque le plasmide de résistance donné est présent dans la cellule, elle ne sera pas affectée par l'antibiotique correspondant. Mais si ce plasmide est perdu, la cellule devient vulnérable à l'antibiotique. Certains plasmides portent des gènes de résistance à plusieurs antibiotiques, ce qui en fait de dangereux pathogènes. Des maladies telles la diphtérie et le botulisme sont dues à des plasmides de virulence qui portent des gènes exprimant des toxines. Ce moyen permet en fait à ces bactéries pathogènes de mieux résister au système immunitaire de leur hôte. Un cas récent de bactérie portant un plasmide de virulence est la souche de E.coli O157:H7 causant des colliques hémorragiques. D'autres plasmides portent des gènes protecteurs contre des susbtances toxiques telles le mercure, le cuivre, etc et enfin d'autres permettent l'utilisation de substrat exotiques comme des hydrocarbones aromatiques, des pesticides, et des sucres.

    L'existence des plasmides permet donc à un ensemble de cellules de conserver un patrimoine génétique qui peut être très utile dans des conditions particulières, mais qui viendrait cependant alourdir le génome de ces cellules si chacune d'entre elle devait porter tous ces gènes. Dans ce dernier cas, la dépense énergétique qui s'ensuivrait serait fort probablement trop importante pour le bénéfice acquis, ce qui rendrait le micro-organisme non-viable (ou plus précisément, non-concurrentiel!). Cependant, dans le cas où un plasmide serait requis, dû à des conditions environnementales difficiles, l'environnement exercerait une PRESSION SÉLECTIVE favorisant la survie des cellules portant ce plasmide, les seules capables de survivre et de se multiplier.

    D'un point de vue technologique, on peut exploiter la capacité des plasmides à transférer du matériel génétique, pour introduire des gènes d'intérêt dans des souches cellulaires ( Chap X).



     

    LA TRANSFORMATION

    La transformation est un mécanisme de transfert de gènes répandu pour toutes les espèces bactériennes, utilisé pour transférer artificiellement des gènes d'une bactérie à l'autre. Les étapes de bases en sont:

    Lyser la membrane cellulaire du donneur et isoler son ADN de manière à obtenir une solution pure, sans autres composants cellulaires (ADN NU)

    Ajouter l'ADN nu à la cellule receveuse dite COMPÉTENTE, c'est à dire capable de lier l'ADN et l'introduire dans son cytoplasme. La fréquence de transformation chez des cellules très compétentes se situe aux environs de E-3 pour la plupart des espèces lorsqu'il y a un excès d'ADN.

    L'ADN nu pénètre dans la cellule receveuse où il peut être échangé avec l'ADN de la cellule ou, si c'est un plasmide, se répliquer.

    La transformation peut être utilisée pour échanger des gènes entre des bactéries, des plantes et des animaux. Dans chaque cas, la méthode utilisée diffère sur les détails. Chez les bactéries, la "compétence" ne peut pas être prédite a priori pour une souche donnée. Cependant, le traitement suivant induit généralement la compétence chez les gram négatives:

    Des cellules jeunes sont incubées dans une solution de chlorure de calcium pour approx. 30 min. sur de la glace. Dans certains cas, un sel de magnésium est aussi utilisé.

    Les cellules sont concentrées et mise en suspension dense dans la solution de calcium.

    De l'ADN nu est alors mélangé avec la suspension de cellules compétentes sur de la glace pour approx. un autre 30 min., suivi d'un léger chauffage

    Les cellules transformées sont incubées dans un milieu riche pour approx. 1 à 1.5 h, puis mises en plat sur du milieu contenant un agent sélectif.

    Plusieurs autres techniques de transformation existent pour les cellules eucaryotes, dont les mélanges de certains sels avec l'ADN. Ces sels se lient à l'ADN et aident à sa pénétration dans la cellule. Les cellules de plantes sont souvent recouvertes d'une épaisse paroi, difficile à pénétrer. Pour les transformer, on enduit des microbilles de platine avec l'ADN du donneur et on projette ces particules sur les cellules à l'aide d'un "pistolet à ADN". On peut aussi soumettre les cellules receveuses à des différences de potentiel électrique important qui vont rendre la membrane plus perméable à l'ADN (ÉLECTROPORATION). Étant donné la nature universelle de l'ADN, des transferts de matériel génétique sont possibles entre les espèces. Des animaux ou des plantes qui ont été transformés par de l'ADN d'une autre espèce sont dits TRANSGÉNIQUES.
     



    CONJUGAISON

    Figure 4. Conjugaison bactérienne.


     


    La découverte d'une forme d'échange entre les bactéries, la CONJUGAISON, dans les années 50 a étonné autant les scientifiques que les non-spécialistes. Sa similitude avec le mode de reproduction humain était aussi amusante pour certains que choquante pour d'autres. Depuis sa découverte, on a montré que l'échange d'ADN par conjugaison était plus fréquente qu'on ne le pensait au début. Initialement, on croyait que la conjugaison ne pouvait se produire qu'entre membres de la même espèce, ou d'espèces rapprochées. Cependant, l'accumulation des preuves a démontré que la conjugaison se produisait aussi entre différentes espèces de bactéries et même entre des bactéries et certains eucaryotes.

    Les conditions de base pour la conjugaison sont:

    Les cellules donneuses doivent contenir un plasmide de fertilité appelé facteur F, un plasmide portant les gènes permettant la conjugaison. Les cellules contenant le facteur F sont désignées F+ ou MALE alors que les cellules sans facteur F sont désignées F- ou FEMELLE.

    Le facteur F est responsable de la synthèse des pili sexuels. Ces pili sont de long tubes minces de protéines, pourvus à leur extrémité d'un récepteur ayant une affinité pour des molécules (ligands) à la surface des cellules receveuses.

    À la suite de l'adhésion de deux cellules par l'intermédiaire des pili, ils s'unissent via un "CANAL DE TRANSFERT". La nature de cette union n'est pas encore claire, non plus que le rôle exact des pili sexuels dans sa formation. Cependant, ce qui est reconnu, c'est qu'il y a un conduit d'ouvert par lequel l'ADN peut passer de la cellule donneuse à la cellule receveuse.

    Une enzyme spécial COUPE un des brins de l'ADN du donneur à un endroit précis et un brin fraichement synthétisé d'ADN passe par le canal de transfert dans la cellule receveuse.

    Ce nouveau brin est converti en double brin qui est alors capable d'échange avec le génome de l'hôte par recombinaison.

    La forme la plus fréquente de conjugaison implique le transfert de plasmides d'une cellule à une autre. Ce processus est très efficace. Par exemple la cellule receveuse qui recoit le facteur F devient elle-même F+ et commence aussitôt à conjuguer avec ces voisines. Certains plasmides de fertilité vont fusionner avec l'ADN génomique de la cellule hôte et ainsi transférer tout le génome de la cellule lors d'une prochaine conjugaison. Dans ces conditions, n'importe lequel des gènes du donneur peut être introduit dans le génome d'une cellule receveuse.
     

    LES SUPERBACTERIES

    Le transfert par conjugaison de plasmides de résistance aux antibiobiques est un problème très sérieux de santé publique. Dans le cas de certains pathogènes important, il ne reste plus qu'un antibiotique efficace; c'est à dire que ces superbactéries contiennent des plasmides portant des gènes de résistance à tous les autres antibiotiques existant. Un des endroits importants pour le développement de ces super-souches sont les hopitaux, où co-existent une forte concentration de pathogènes ET d'antibiotiques: l'environnement idéal pour maximiser les probabilités de recombinaison. D'autres activités humaines, telles l'addition d'antibiotiques à la diète du bétail pour accélérer leur prise de poids, ou à la volaille pour prolonger leur durée d'entreposage, contribuent à la propagation de plasmides de résistance aux antibiotiques. L'augmentation de la résistance de bactéries en fonction du temps est illustrée à la Figure 5 ci-dessous.
     


    Figure 5. L'augmentation des bactéries résistantes à 3 antibiotiques en fonction du temps et un schéma d'une superbactérie avec plusieurs gènes de résistance. 


    LA TRANSDUCTION

    La troisième façon de transporter de l'ADN entre des organismes implique la médiation d'un virus. Dans le cas des bactéries, des bactériophages, ou phages, seront impliqués.

    HISTOIRE DE PHAGE

    Deux scientifiques, F. Twort et F. d'Herrelle ont découvert les bactériophages de manière indépendante en 1915 & 1917. Le terme phage veut dire "mangeur". On peut détecter les phages de deux façons. Une manière consiste à observer des trous (plages de lyse) dans un tapis cellulaire sur un plat d'agar.
     


    Figure 6. Technique de compte viral: le compte de plage de lyse


     


    D'une autre façon, l'addition de phage dans une culture bactérienne en milieu liquide causera la disparition des bactéries en quelques minutes. On a déjà pensé utiliser les phages comme agents thérapeutiques contre des infections bactériennes. Bien que ces essais n'aient pas fonctionné, à cause de la réponse immunitaire de l'organisme contre les phages, on a découvert que les phages étaient extrêmement spécifiques quant aux choix de leur hôte. En fait, cette spécificité était tellement grande que les phages ont été utilisés par la suite pour identifier certaines souches bactériennes.

    La capacité du phage de transporter de l'ADN bactérien a été découverte en 1952. Des scientifiques ont alors découvert qu'en séparant deux bactéries génétiquement différentes par une membrane de très faible taille de pores, ils pouvaient encore observer des transferts génétiques entre elles. Il ne s'agissait pas de transformation puisque le transfert ne pouvait pas être empêché par l'utilisation de la DNase. Ils ont alors supposé que l'ADN devait être protégé de la DNase par quelque chose. Ce quelque chose, c'était en fait un bactériophage infectant une des souches. Les phages sont composés de matériel génétique entouré de protéines qui, en effet, protègent l'ADN contre la DNase. Ce processus de transfert par l'intermédiaire de phages est appelé TRANSDUCTION.
     


    Figure 7. La transduction.


     


    La transduction fonctionne comme suit.Un phage infecte une bactérie et injecte sont ADN dans l'hôte. L'ADN viral prend le contrôle du métabolisme de l'hôte, le transformant en "usine à phage". Il dirige la production des composants du phage incluant l'ADN viral. Lors d'une des dernières étapes du cycle "vivant" du phage les différentes composantes du phage sont assemblées en phages complets et la cellule est rompue pour relâcher les nouvelles particules. Durant le processus d'assemblage, des erreurs très rares peuvent se produire, faisant en sorte que des fragments d'ADN de l'hôte soient introduits dans le nouveau phase. Puisque qu'il n'y a pas de place dans la capside pour tout ce matériel génétique, dans ces rares cas, il doit manquer des gènes viraux, ce qui créé des phages défectifs, incapable de se multiplier. Cependant, ces phages défectifs ont toujours la capacité de sortir de la cellule, de s'attacher à un nouvel hôte et d'introduire le gène qu'il porte dans la nouvelle cellule. Puisque le phage défectif ne porte que de l'ADN bactérien, l'infection de l'hôte ne se produit pas. Par contre, une recombinaison entre l'ADN de l'hôte précédent et le nouvel hôte, et les allèles transportées par le phage dans ce nouvel hôte peuvent être incorporées dans l'ADN de l'hôte, se faisant changeant son phénotype (Fig. 7). Pour détecter ce processus, les nouveaux hôtes sont cultivés sur un milieu qui permet de démontrer la présence d'une allèle particuliaire provenant de l'hôte précédent.

    Par exemple, si les phages de transduction sont tout d'abord cultivés sur des hôtes bactériens portant un gène de résistance à la pénicilline, un nombre très faible de phages vont incorporer le gène de résistance à la pénicilline. Si le phage de cette cuture est subséquemment utilisé pour infecter des hôtes sensibles à la pénicilline et que les survivants sont mis en plat sur un milieu contenant de la pénicilline, seulement ces rares bactéries ayant recu à la fois le gène de résistance à la pénicilline et un gène défectif de phage et l'on inséré dans leur propre génome vont produire des colonies sur le milieu.

    QUESTION: "Si l'évenement est si rare, comment se fait-il que nous puissions l'observer?".

    RÉPONSE: La réponse est dans le nombre prodigieux de phage et de bactéries avec lesquels l'on peut travailler. Un stock de phage peut contenir 1E11 phage/ml et une culture bactérienne 2E9 bactéries/ml. Donc, même une probabilité de 1E-8 a de bonnes chances de se réaliser.

    Puisque les phage sont faciles à cultiver et qu'une fois obtenus on peut les stocker et les utiliser plus tard, la transduction est un moyen pratique et efficace pour générer toutes sortes de gènes d'une bactérie et en faire l'étude.


    VERS LE CHAPITRE 10


    Copyright © Dr. R. E. Hurlbert, 1997. This material may be used for educational purposes only and may not be duplicated for commercial purposes.

    Copyright © A. Garnier, 1997 pour la version française modifiée (avec la permission de l'auteur). Ce matériel peut être utilisé à des fins pédagogiques. Aucun droit de reproduction pour des fins commerciales.